Un siècle de procès entre clercs troyens

« L’ordre de procession icy figuré est justifié par les titres transcris […], confirmé par les sentence arbitrale ; transaction, et arrests contradictoires du parlement des 9e août 1591, avril 1606, 27 février 1625 et 3 décembre aud[i]t an, et observé pendant cinq siècles […] ».

L’introduction de ce document met en lumière le sujet au cœur des conflits entre les institutions religieuses troyennes, celui de la préséance lors des processions dans la cité. Quatre églises troyennes étaient unies par la tradition entre elles en processions générales et selon un ordre strict : le chapitre cathédral devant le chapitre Saint-Étienne, lui-même devant l’abbaye Saint-Loup et l’abbaye Saint-Martin-ès-Aires.

Certaines places étaient plus convoitées que d’autres et accordaient un prestige plus grand pour l’établissement religieux. L’écrit précise une hiérarchie sacrée où le rang gauche est « le plus noble » parce qu’une fois arrivée dans l’église, les rangs de la procession s’inversent et ceux qui marchent à gauche s’assoient à droite de l’autel.

D’une querelle, au XVIe siècle, sur la préséance d’une croix dans le cortège, les relations se sont envenimées pour atteindre des proportions importantes : places dans les rangs, légitimité dans les processions, refus de la relique de Saint-Étienne dans le cortège, vol de bâton de procession, bagarres, arrestations, exclusion du chapitre Saint-Étienne des cortèges, etc. De 1589 à 1684, une dizaine de procès se sont succédés et ont abouti à la dissolution de l’union, appelée aussi Fraternité.

Le cortège processionnel est ouvert par quatre croix appartenant aux quatre institutions, suivies des individus représentés par des points (marchant par deux ou quatre). Trois reliques étaient portées au centre, celles de Saint-Loup, de Sainte-Hoïlde et de Saint-Savinien. Le cortège était fermé par les abbés, les doyens et l’évêque. Notons que l’auteur a suivi les codes de représentations iconographiques des processions en vigueur dans la peinture et a représenté le cortège en serpentin sans division.

Les différends juridiques ont produit de nombreux documents, encore conservés aux Archives départementales de l’Aube et dans un très bon état de conservation. L’étude de ces procès révèle les enjeux de la visibilité et de l’influence des églises troyennes dans l’espace public, source de rivalité entre elles.

Hugo Martin

Janvier 2023

Illustration 2

Il s’agit exactement du même document (mot pour mot) mais il est colorisé. Cependant, le document est en moins bon état (Arch. dép. Aube, G3357).

Illustration 3

Le document est visuellement très proche mais la thématique est différente. Il s’agit du cortège des clercs séculiers de Troyes (Arch. dép. Aube, G3357).

Illustration 4

Le document, qui a tout l’air d’un brouillon, est en réalité une clé pour comprendre l’emplacement des clercs une fois arrivés dans le chœur de la cathédrale. Derrière les rayures, la moitié droite de la page représente les sièges du chœur en « U » où chaque siège est annoté de son possesseur (ex : chanoine de Saint-Étienne ou archidiacre de Saint-Pierre). Ils se situent derrière l’autel. L’arrivée du cortège se fait par le haut de la page, c’est pourquoi le rang gauche du cortège vient s’assoir à droite du cœur et inversement (Arch. dép. Aube 6G 366).

Illustration 5

Estampe d’une procession (et les normes de représentations) - 1695

Titre : L’auguste procession de la chasse de Sainte-Geneviève en l’église de Notre-Dame.

Editeur : François Iollain

Au XVIe et au XVIIe siècle, on représente les cortèges tels des serpentins pour pouvoir peindre tous les membres, comme dans l’archive 6G54. Dans la symbolique de l’époque, jamais on ne découpe un cortège en plusieurs morceaux pour pouvoir le représenter. La force d’une procession est d’être unie et de ne former qu’un corps (en référence au corps mystique, le corps de Dieu). La présence de Dieu devient réelle quand tous les catholiques sont unis, par conséquent un cortège désuni perdrait sa valeur sacrée et mystique (Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b69471630.r=procession?rk=64378;0#).

Illustration 1

Cote : Arch. dép. Aube, 6 G 54

Date : 1680 (copie d’une sentence arbitrale de 1591)

Description : figuration du cortège processionnel des clercs troyens.

Support : papier

Sources complémentaires :

Arch. dép. Aube, G 3350-G 3360 : procès entre le chapitre cathédral et le chapitre Saint-Étienne.

Arch. dép. Aube, 6 G 51-6 G 55 : préséance du chapitre Saint-Étienne lors des processions.

Arch. dép. Aube, 4 H 40-4 H 42 : préséance de l’abbaye Saint-Loup lors des processions.

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